Original et aventureux dans sa programmation, l’Opéra du Rhin met à l’affiche une rareté lyrique : Guercœur, ouvrage composé entre 1897 et 1901 par Albéric Magnard et créé, dans son intégralité, trente ans plus tard à l’Opéra de Paris (1). Soit bien après le décès tragique de son auteur, tué en 1914 par des soldats allemands auxquels il s’opposait, courageusement mais imprudemment seul à défendre sa maison.

La première de cette redécouverte (2) aura lieu dimanche 28 avril à Strasbourg et nous reviendrons dans La Croix sur un spectacle à la distribution prometteuse, à commencer par le baryton Stéphane Degout dans le rôle-titre. Le chef Ingo Metzmacher assure la direction musicale et la mise en scène est signée Christof Loy.

En terrain vierge

Aujourd’hui, c’est davantage le plaisir anticipé de la nouveauté qui nourrit ce petit billet. Un plaisir qui commence dès le premier concert auquel on a la chance d’assister, tout enfant ou plus âgé, et qui se prolonge, se renouvelle si souvent. On ne remerciera d’ailleurs jamais assez les artistes et les programmateurs défricheurs qui, des pépites du baroque aux partitions négligées des compositrices reléguées dans l’ombre de leurs collègues masculins, éveillent résolument nos oreilles à l’inédit.

Et si certaines de ces exhumations ne laissent qu’une trace fugace vite effacée, d’autres rejoignent durablement notre répertoire d’élection. Pour ne citer que deux exemples de ces dernières années : Görge le rêveur d’Alexander von Zemlinsky à l’Opéra de Nancy sous la direction éblouissante de Marta Gardolinska, ou la Grande Fantaisie-Quintette de Rita Strohl par le pianiste Ismaël Margain et le Quatuor Hanson, à l’initiative du Palazzetto Bru Zane de Venise, inlassable découvreur.

Cette joie, vibrante, exaltante, ne vient pas concurrencer le contentement, tout aussi profond, de réentendre un « tube » de la musique – Quatre Saisons de Vivaldi, Ve Symphonie de Beethoven ou Boléro de Ravel – dans une interprétation qui en ravive les couleurs et les saveurs. Elle rappelle à l’auditeur aguerri, ou qui se croit tel, les premières fois de sa jeunesse, l’époque où toutes les œuvres étaient inconnues, le temps où il passait de surprise en surprise.

(1) Du vivant de Magnard, les actes séparés avaient été exécutés lors de concerts, sans mise en scène…

(2) Le chef Michel Plasson en a toutefois réalisé un enregistrement en 1986 avec José Van Dam dans le rôle-titre.