La République islamique a toujours eu l’habitude d’utiliser ses villes et ses murs pour promouvoir son idéologie à grand renfort de superlatifs. Plus de deux semaines après la pluie de drones lancés contre Israël, les rues de Téhéran regorgent encore d’affiches et de panneaux vantant ce que le pouvoir présente comme une immense victoire contre son ennemi juré. « Les plus grandes attaques de missiles du monde contre Israël » ou « La réponse décisive et écrasante de l’Iran contre les occupants » comptent en ce moment parmi les slogans les plus répandus. Juste après l’attaque des 13 et 14 avril, des célébrations et des rassemblements avaient été organisés par la milice des bassidjis (liée aux Gardiens de la révolution, l’armée idéologique du régime) à Téhéran et dans plusieurs villes, comme Karaj, Mashhad et Ispahan, pour crier victoire.

Mais les drapeaux iraniens et palestiniens, ou les chants crachés par les haut-parleurs, n’ont pas suffi à changer le regard dédaigneux et désapprobateur de nombreux Iraniens sur la guerre, soulagés que les frappes aériennes n’aient pas fait de victimes, évitant ainsi des représailles et même un conflit ouvert qui nuirait à l’économie et à leur quotidien. « Le pouvoir voit son opération comme un succès, mais il n’y a pas de quoi se réjouir », juge ainsi Parmis Roshan, qui sirote un café avec son petit ami dans le centre de la capitale, à proximité d’un rassemblement progouvernement. La Téhéranaise de 22 ans, dont l’allure – cheveux au vent et tenue colorée – dénote, s’étonne de voir les partisans du régime suivre avec avidité les informations sur la guerre. « Je ne comprends pas l’attitude du gouvernement et de ses soutiens. La guerre et les effusions de sang ne font qu’empirer la situation », ajoute Parmis.

« Nous avions promis de nous venger »

À côté d’elle, une jeune femme en tchador noir distribue des bonbons aux passants. Motahareh Hosseinzadeh est venue dans la rue avec son mari pour soutenir le Hamas palestinien et les Gardiens de la révolution. « L’heure de la destruction d’Israël a enfin sonné, lance-t-elle. C’est ça, la puissance de la République islamique d’Iran. Je félicite notre dirigeant et tous les croyants. » Comme elle, les commandants des Gardiens de la révolution répètent interview après interview que l’État hébreu représente un danger. « Le régime sioniste était déjà détesté dans le monde et l’est encore plus depuis que la résistance, soutenue par la République islamique, a surpris le monde entier », a ainsi déclaré le sardar Mojtaba Fada, dans un entretien aux médias d’État. Pour ce commandant des Gardiens de la révolution, Israël a commis une grave erreur en attaquant le consulat iranien de Damas en Syrie, le 1er avril. « L’Iran a répondu à cette attaque 12 jours plus tard pour ne pas faire le jeu de Netanyahou. Nous avions promis de nous venger. »

Alors que les médias d’État affirment que les missiles ont atteint leurs cibles – bien que la plupart aient été interceptés par le système de défense antiaérienne israélien –, certains Iraniens dénoncent l’inefficacité de l’opération. « Ils ont dépensé tout ça par fierté, estime Parham Eimani, 30 ans, professeur de lycée dans le sud de Téhéran. Mais cela nous porte préjudice, tout le monde se demande désormais si l’Iran s’abstiendra vraiment d’utiliser l’arme nucléaire s’il l’acquiert. Les choix du gouvernement valident l’idée que l’utilisation du savoir nucléaire ne sera pas pacifique », ajoute l’enseignant qui a publié plusieurs articles sur Internet sur les conséquences de l’attaque iranienne. Une démarche qui pourrait lui causer des ennuis et l’exposer à des poursuites. De nombreux Iraniens ont reçu des avertissements ou ont été arrêtés par les services de renseignements et de cybersurveillance après avoir rédigé des tweets moqueurs sur l’attaque iranienne.