La Sfam, un courtier en assurances pour produits multimédias cerné par les affaires judiciaires, a été placée mercredi 24 avril en liquidation judiciaire, au grand dam de salariés et de consommateurs « désespérés » de perdre leur travail ou de ne jamais « revoir la couleur de leur argent ».

La liquidation judiciaire de cette filiale du groupe Indexia a été prononcée à l’issue d’une audience à huis clos par le tribunal de commerce de Paris, à la demande de l’Urssaf Rhône-Alpes qui lui réclamait 11,76 millions d’euros de créances.

Consommateurs lésés

Présent à l’audience, le PDG d’Indexia, Sadri Fegaier, a quitté le tribunal à la pause méridienne sans faire de commentaire, refusant même de confirmer le placement en liquidation judiciaire de la société.

Il n’a pas non plus souhaité répondre aux questions de dizaines de consommateurs lésés venus au tribunal lui apporter leur dossier personnel, « ulcérés » par le comportement de l’homme d’affaires, autrefois à la une des journaux qui le présentaient comme le plus jeune milliardaire français.

Depuis des années, la Sfam (Société française d’assurance multirisque) agissait en tant que courtier en assurances, notamment avec Fnac Darty entre 2017 et 2019. Les consommateurs pouvaient souscrire un contrat pour assurer un téléphone ou un ordinateur, souvent pour environ 15 € par mois. Des années plus tard, ils sont des centaines à avoir vu les prélèvements se multiplier, de la part de la Sfam et d’autres filiales d’Indexia (dont Foriou, Hubside et Serena), sans avoir signé d’avenant.

Claire dit avoir été « ponctionnée de 26 000 € en sept ans » après l’achat d’un ordinateur en 2017. C’est quand les prélèvements ont atteint « 5 500 € » en quelques semaines qu’elle a pris conscience des montants et qu’elle a fait opposition. « Le jour même, il y a eu 126 tentatives de prélèvement sur mon compte », s’exclame-t-elle, encore stupéfaite.

Devant le tribunal, une trentaine de consommateurs comparent leurs préjudices : « 25 000 € » pour l’un avec jusqu’à « 18 prélèvements par jour » pour une assurance de téléphone ; « 10 000 € » pour une autre, qui tous les jours encore regarde compulsivement ses comptes « pour voir s’ils ont recommencé ».

« Sur le carreau »

Tous n’ont qu’une peur : « ne jamais revoir la couleur de leur argent », car après une liquidation judiciaire, les créanciers – dont les consommateurs – doivent se signaler dans un délai de deux mois.

Dans le cas de la Sfam, l’Urssaf et ses autres principaux créanciers seront prioritaires. « Ça laisse des centaines de personnes sur le carreau », déplore Me Emma Leoty, qui défend des plaignants au civil.

Pour parer à cette éventualité, elle a aussi assigné pour le compte de plus de 400 consommateurs, en plus du courtier, les assureurs MMA et Axeria, derrière les contrats vendus par la Sfam, ainsi que Fnac Darty, l’assureur responsabilité professionnelle de la Sfam, et ses commissaires aux comptes.

L’avocate des consommateurs réclame aussi l’intervention du ministère de l’économie et des finances. En 2019, Indexia avait dû payer 10 millions d’euros dans le cadre d’une transaction pénale faisant suite à une enquête de la répression des fraudes (DGCCRF), pour pratiques commerciales trompeuses. « Cette somme pourrait être utilisée pour rembourser les consommateurs », déclare Me Leoty à l’AFP.

Une deuxième enquête de la DGCCRF, également pour pratiques commerciales trompeuses, a abouti au renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris de la Sfam, mais aussi de six sociétés du groupe et de son PDG. Ils seront jugés fin septembre.

Mercredi, face aux consommateurs lésés, des salariés et représentants syndicaux du groupe ont assuré qu’ils « n’avaient pas conscience » que les méthodes de la Sfam étaient « généralisées ».

Eux aussi ont peur : depuis plusieurs semaines, les salaires de dizaines d’employés n’ont pas été versés, indique à un membre du CSE Kevin, qui n’a pas souhaité donner son patronyme. Selon cet élu CFDT, présent à l’audience à huis clos, la Sfam n’a pas été en mesure de fournir les documents nécessaires pour prouver sa capacité à rembourser sa dette auprès de l’Urssaf, l’organisme de recouvrement des cotisations sociales.

La liquidation judiciaire a, toujours selon ce représentant du personnel, des effets immédiats avec cessation des activités au moins pour les salariés de la Sfam à Romans-sur-Isère (Drôme), où Indexia est l’un des premiers employeurs privés.