De nouveau une petite phrase qui fait polémique. Le président français Emmanuel Macron a plaidé dimanche 9 avril en faveur d’une troisième voie pour l’Europe, entre les États-Unis et la Chine, et défendu son refus d’une logique de bloc.

Ce n’est pas la première fois qu’une sortie du chef de l’État en matière de politique étrangère suscite des salves de critiques et d’incompréhensions de la part des alliés de la France ou à l’intérieur de l’Hexagone.

« Ne pas devenir les vassaux des États-Unis »

De retour d’une visite d’État de trois jours en Chine, le président français a plaidé pour une « autonomie stratégique » européenne. Il a dit redouter que l’Europe ne se retrouve «entraînée dans des crises qui ne sont pas les siennes » comme à Taïwan, et ne se mette « à suivre la politique américaine, par une sorte de réflexe de panique ».

« La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise », a dit le chef de l’État dans un entretien accordé aux Échos et paru dimanche, craignant, en cas « d’embrasement », de devenir « des vassaux » à défaut d’« être le troisième pôle ».« Nous ne voulons pas entrer dans une logique de bloc à bloc », a-t-il encore affirmé.

Ces propos ont jeté un doute sur l’attitude de Paris en cas d’invasion chinoise de Taïwan, pourtant un enjeu de sécurité majeur en Indo-Pacifique. Ils ont suscité un tollé auprès des alliés de la France qui ont accusé le président de rompre la solidarité transatlantique, à l’heure où les États-Unis portent l’effort de guerre en Ukraine et financent en partie la sécurité de l’Europe. Dans un article d’analyse, le New York Times a estimé qu’Emmanuel Macron « sapait » les efforts américains pour contenir l’influence du régime autoritaire du président chinois Xi Jinping.

Dans l’est de l’Europe, cette prise de position a également suscité des réprobations. L’alliance avec les États-Unis est « un fondement absolu » de la sécurité européenne, a déclaré mardi le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki. « Certains chefs occidentaux rêvent d’une coopération avec tout le monde, avec la Russie et avec certaines puissances de l’Extrême-Orient », a-t-il fustigé.

« Ne pas humilier la Russie »

Trois mois après l’invasion russe de l’Ukraine, le chef d’État français avait appelé en juin 2022 devant le Parlement européen à Strasbourg à « ne pas humilier la Russie » dans le cadre du règlement de la guerre en Ukraine.

« Il ne faut pas humilier la Russie pour que le jour où les combats cesseront, nous puissions bâtir un chemin de sortie par les voies diplomatiques », a répété le président trois semaines plus tard dans un entretien à La Dépêche du Midi, tandis qu’il enchaînait les appels téléphoniques avec son homologue russe Vladimir Poutine, sans résultat.

« Qu’est-ce qu’on est prêt à faire pour donner des garanties pour sa propre sécurité à la Russie le jour où elle reviendra à la table des négociations ?», a de nouveau déclaré le chef de l’État en décembre dernier. Ces déclarations répétées ont suscité de vives critiques venues de Kiev et des pays de l’est de l’Europe, en dépit du soutien militaire, diplomatique et financier que la France apporte à l’Ukraine.

► L’Otan en état de « mort cérébrale »

Dans un entretien à l’hebdomadaire britannique The Economist, le président avait estimé en novembre 2019 que l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) était en état de « mort cérébrale », jugeant que les États-Unis se désengageaient de l’alliance de défense et de sécurité collectives. Il mettait également en cause le comportement trouble de la Turquie, en référence à son intervention militaire dans le nord de la Syrie.

« Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’Otan », avait déclaré le chef de l’État français. « Vous n’avez aucune coordination de la décision stratégique des États-Unis avec les partenaires de l’Otan et nous assistons à une agression menée par un autre partenaire de l’Otan, la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu, sans coordination », avait-il souligné, souhaitant clarifier les objectifs stratégiques de l’alliance.

À l’époque, ces affirmations avaient suscité un tollé mais Emmanuel Macron, qui avait omis de consulter ses partenaires européens en amont, avait assumé « de lever les ambiguïtés ».