Jerry Leconte est un homme pressé. Le sprinteur, recordman national du 4x100 m mixte lors des championnats de France 2020, a lancé une course contre la montre pour participer aux Jeux olympiques de Paris 2024, cet été. Avec toutefois une grande incertitude : son manque de moyens financiers pour l’aider à se préparer au mieux à cette échéance.

« L’aspect financier est un frein pour beaucoup d’athlètes, même en équipe de France », explique celui qui, en février dernier, a lancé sa propre cagnotte. Appelant sa communauté et les généreux donateurs à l’aider dans cette perspective, Jerry Leconte explique ne disposer « d’aucun financement ».

En France, les sportifs de haut niveau peuvent pourtant bénéficier de plusieurs dispositifs d’accompagnement. Outre les cagnottes en ligne, les athlètes peuvent jouir des dispositifs de droits communs comme le Contrat d’insertion professionnelle (CIP), destiné aux entreprises privées, et la Convention d’aménagement d’emploi (CAE) pour les structures publiques.

Des contrats de travail sur mesure pour les sportifs

Ces contrats de travail, pilotés par l’Agence nationale du sport (ANS) permettent, sur un temps classique de trente-cinq heures, un aménagement de l’emploi du temps du sportif. En fonction du niveau de diplôme, et avec un salaire sur la base minimum d’un smic, le sportif devra travailler au sein de l’entreprise 50 % du temps (ou moins) et sera à disposition de sa fédération le reste du temps, tout en conservant une rémunération à plein-temps.

La prise en charge du manque à gagner pour l’employeur sera, en partie ou en totalité, prise en charge par l’ANS. Statut social, droits à la retraite, vrai projet d’insertion en entreprise… ces différents contrats, soutenus à hauteur de 2,6 millions d’euros en 2023 par l’ANS, ont pu bénéficier à près de 700 sportifs en cette année olympique.

« Des entreprises souhaitent recruter des sportifs dans la perspective d’une participation aux Jeux olympiques et de résultats, explique Odile Pellegrino, conseillère haute performance à l’Agence nationale du sport (ANS), mais il y a aussi des entreprises qui veulent avoir des athlètes de haut niveau tout simplement pour compter dans leurs rangs un collaborateur qui vit au quotidien une expérience extraordinaire et peut la partager avec l’ensemble de ses collègues. »

Avec des personnalités habituées à gérer la pression, qui savent se relever en cas d’échec et dotées d’une notion de performance, « les entreprises bénéficient d’un atout considérable », rappelle Laurent Guillemette, directeur grands événements sportifs au sein de la SNCF. Cette entreprise compte dans ses rangs 29 sportifs de haut niveau, dont quatre déjà sélectionnés pour les Jeux de Paris.

Mécénat et droits d’images

Mais les entreprises peuvent aussi être simplement mécènes des sportifs. Si les grandes sociétés sont nombreuses à y recourir, les plus petites structures ne sont pas en reste grâce aux déductions fiscales existantes pour les causes d’intérêt général (60 % du montant du don, jusqu’à 2 millions d’euros de dons annuels ; 40 % du montant au-delà, le don étant plafonné à 20 000 € ou 0,5 % du chiffre d’affaires). Ainsi une aide annuelle de 23 000 € à un sportif de haut niveau ne coûtera à l’entreprise que 9 200 €.

Enfin, le contrat d’image, contrat privé passé entre une entreprise et un sportif, permettra à ce dernier de négocier l’utilisation de son image, dans le cadre d’une campagne publicitaire par exemple. « Plus le sportif est connu, plus ça sera intéressant pour l’entreprise, rappelle Odile Pellegrino. Cependant, certaines PME locales passent des contrats d’image avec les athlètes du coin, certes moins connus, mais qui bénéficient d’une notoriété, elle aussi locale. »

« Le Crédit agricole a passé un contrat d’image avec Teddy Riner, très connu du grand public, mais aussi avec la cycliste Mathilde Doudoux, moins identifiée mais dont l’image colle aussi à celle que souhaite véhiculer l’entreprise », abonde sa collègue de l’ANS et ancienne athlète Maguy Nestoret Ontanon.

Aménagement et contraintes

Pour les entreprises partenaires, l’absence d’un collaborateur le temps d’une compétition ou d’une longue préparation, reste « un élément à prendre en compte pour un manager qui doit établir des emplois du temps en conséquence et faire preuve d’un travail pédagogique auprès des collègues », rappelle Laurent Guillemette. Lancé en 1982, le programme Dispositif athlètes SNCF a aidé, à ce jour, près de 250 sportifs.

« Ces dispositifs sont un confort et une sécurité à l’heure d’aborder les grands rendez-vous sportifs », abonde la rameuse d’aviron handisport, Perle Bouge, fonctionnaire d’État au ministère des sports et membre de la team Carrefour qui la finance. « Mes collègues sont bienveillants et sont en soutien quand ils me voient partir pour de longues périodes. De manière générale, je pense que c’est toujours inspirant d’avoir de grands sportifs au sein des entreprises. »

En dépit de tous ces dispositifs, comment expliquer que certains athlètes prometteurs soient obligés de recourir à des cagnottes en ligne ? C’est que ces soutiens dépendent de la présence ou pas sur la liste des sportifs du haut niveau du ministère des sports. Or « certains athlètes peuvent obtenir, une fois, un bon chrono, dans une situation particulière et ne plus réitérer par la suite, analyse Maguy Nestoret Ontanon. C’est la difficulté du haut niveau ».