Toomaj Salehi, 33 ans, risque la pendaison. Arrêté en octobre 2022, ce jeune rappeur avait soutenu par ses chansons et ses déclarations sur les réseaux sociaux le mouvement de contestation déclenché après la mort le 16 septembre 2022 de Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne détenue par la police des mœurs, qui lui reprochait d’avoir enfreint le strict code vestimentaire imposé aux femmes.

Le verdict du tribunal révolutionnaire d’Ispahan, rapporté mercredi 24 avril par un média local iranien citant l’avocat du rappeur, a stupéfié les ONG et militants iraniens car il allait à l’encontre d’une précédente décision de la Cour suprême, qui avait conduit à la libération de l’artiste en novembre dernier.

Cette nouvelle condamnation, qui peut encore faire l’objet d’un appel, a suscité ces derniers jours de vives protestations internationales visant à mettre sous pression les autorités iraniennes et à obtenir d’elles un recul.

Une indignation internationale

C’est une « manipulation grotesque du processus judiciaire », a accusé Hadi Ghaemi, directeur du Centre pour les droits humains en Iran (CHRI), basé à New York, estimant que le verdict visait à « faire taire la dissidence ».

Les soutiens du jeune artiste ont lancé sur les réseaux sociaux une campagne sous le hashtag #SaveToomaj (#SauverToomaj). « C’est une terrible nouvelle et nous devons tous nous indigner et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour #sauverToomaj. C’est un héros national », a écrit sur X l’actrice britannique d’origine iranienne Nazanin Boniadi.

Du côté des États-Unis, l’adjoint de l’envoyé spécial américain sur l’Iran, Abram Paley a appelé à la « libération immédiate » de Toomaj, associant son cas à celui d’un autre rappeur Saman Yasin condamné à cinq ans de prison, après avoir été condamné à mort. Les condamnations des deux rappeurs « sont les derniers exemples de la brutalité des abus perpétrés sur ses propres citoyens par le régime, son mépris des droits humains et la peur du changement démocratique espéré par les Iraniens », a commenté l’émissaire américain.

La France a dénoncé, jeudi 25 avril, une décision « inacceptable ». Les condamnations à mort et les « nombreuses autres violations graves et inacceptables des droits et libertés fondamentales commises par les autorités iraniennes, ne peuvent tenir lieu de réponse aux aspirations légitimes de liberté du peuple iranien », a ajouté le Quai d’Orsay dans une déclaration.

Le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani a, le même jour, « condamné fermement » la décision de la justice iranienne. À Genève, ce sont encore dix experts indépendants des Nations unies qui ont dénoncé ce verdict.

Dans l’espoir d’amplifier la contestation, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International et l’Action des chrétiens pour l’abolition la torture (ACAT) ont appelé à un rassemblement Place de la Bastille à Paris, dimanche 28 avril à 15h, pour exiger la libération de l’artiste dans une tribune intitulée « il faut sauver le rappeur Toomaj » publiée par le journal Libération. Elles associent son sort à celui des autres condamnés à mort et détenus politiques en Iran.

La répression accrue, un « signe de désespoir » ?

Ce verdict survient dans un contexte de répression accrue en Iran, notamment contre les femmes, et une augmentation en flèche des exécutions. Selon Amnesty International, 853 personnes ont été exécutées en 2023, une hausse de 48 % par rapport à 2022. Depuis le début de l’année, déjà 130 ont été exécutées, selon l’ONG IHR basée en Norvège.

Plusieurs centaines de personnes, dont des membres des forces de l’ordre, avaient été tuées et des milliers arrêtées au cours des manifestations qui se sont déroulées en octobre et novembre 2022 en Iran. Neuf personnes ont été exécutées en lien avec ce soulèvement, selon les ONG. Au moins six autres personnes sont sous le coup d’une condamnation à mort pour les mêmes raisons. Il s’agit de Fazel Bahramian, Mamosta Mohammad Khazrnejad, Manouchehr Mehman Navaz, Mehran Bahramian. Mojahed (Abbas) Kourkour et Reza (Gholamreza) Rasaei.

Ces condamnations sont « le signe de désespoir du régime de la République islamique et de sa peur de la contestation populaire », a déclaré le directeur d’IHR Mahmoud Amiry-Moghaddam.