« Nous tenons délais et budget ». Pour son grand oral devant les sénateurs, le président de l’Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris s’est voulu rassurant. Auditionné par la commission culture du Sénat présidée par Laurent Lafon (Union centriste), Philippe Jost a à la fois partagé son enthousiasme devant les avancées du chantier et répondu aux questions des sénateurs qui n’ont pas caché quelques inquiétudes.

L’audition a commencé par un vibrant hommage au général Jean-Louis Georgelin, décédé lors d’un accident de montagne en août 2023. « Par la force de sa volonté (…) et sa profonde foi chrétienne, il a relevé ce défi qui paraissait déraisonnable », a insisté Philippe Jost qui lui a succédé à la tête de l’Établissement public. Hommage unanime aussi des sénateurs qui, à trois reprises, avaient auditionné le général Georgelin.

Puis, à huit mois de la réouverture de la cathédrale, le 8 décembre 2024, et à quinze jours de l’anniversaire de l’incendie qui a ravagé Notre-Dame le 15 avril 2019, le patron du chantier a salué « la formidable compétence, le savoir-faire et l’excellence des quelque 250 entreprises qui ont pu intervenir jusqu’alors sur le chantier. » Il a insisté sur la reconstitution à l’identique jusque dans les techniques mêmes de construction : « Nous restaurons pour au moins 860 ans, en reprenant les techniques médiévales et les matériaux d’origine, (…) parti pris qui n’est pas seulement esthétique, mais de durabilité et de pérennité ».

Un budget maîtrisé

Soulignant l’importance de faire connaître cette aventure technique et humaine, Philippe Jost s’est félicité du succès de l’exposition consacrée au chantier qui a accueilli 80 000 visiteurs, mais aussi de la Maison du chantier et des métiers (160 000 visiteurs), auquel s’ajoutent les 30 000 participants aux journées européennes du patrimoine en septembre 2023. 800 valises pédagogiques ont d’ores et déjà été distribuées pour faire connaître les métiers de la cathédrale. Un volet en faveur de l’insertion sociale sur le chantier a permis par ailleurs de former 46 personnes dont une vingtaine sans diplôme.

Le président de l’Établissement public a également assuré maîtriser le budget. Estimant à quelque 552 millions d’euros le coût, à terme, du chantier de restauration de la cathédrale qui s’ajoute au coût de sécurisation de 150 millions d’euros, il a chiffré à 150 millions la somme disponible grâce aux souscriptions qui s’élèvent à un total de 846 millions. « Ces dons permettront de restaurer l’extérieur de l’édifice qui en avait besoin avant même l’incendie », travaux qui pourraient être engagés au cours d’année 2025.

Bataille autour des vitraux

Photos à l’appui, Philippe Jost a ensuite détaillé pour les sénateurs l’avancée des travaux menés à partir du savoir-faire ancestral des cathédrales. Dès la première intervention des sénateurs, le projet de vitraux contemporains en lieu et place de grisés du XIXe siècle s’est invité dans la discussion, revenant plusieurs fois au cours des deux heures d’échange. Voulu par Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris et soutenu par le président Emmanuel Macron, ce « geste contemporain » est actuellement en phase de consultation avec une décision à venir fin 2024.

La rapporteure Sabine Drexler (Les Républicains) a abordé l’opportunité de fouilles complémentaires dans la foulée du chantier et s’est inquiétée de l’aménagement des abords, en vue de l’arrivée massive du public. Pour Philippe Jost, cette fréquentation record estimée de 12 à 15 millions de visiteurs par an, soit jusqu’à 2 500 personnes simultanément présentes dans l’édifice, est une question entre les mains du diocèse, affectataire, en lien avec la Ville de Paris.

Autre inquiétude des sénateurs : l’interruption des fouilles adjacentes, alors même que l’ancien jubé de la cathédrale pourrait être à portée de mains. Monique de Barco (Groupe écologiste) s’est inquiétée du « risque sanitaire des eaux de ruissellement sur les couvertures en plomb », tandis que Jean-Gérard Paumier (Les Républicains) suggérait que le « surplus » des dons et souscriptions puisse être affecté à des projets patrimoniaux territoriaux.

Interrogé, in fine, sur l’avenir de l’Établissement public dédié au relèvement de Notre-Dame, Philippe Jost a répondu qu’il était a priori destiné à disparaître, une fois la mission terminée. Un dispositif grandeur nature, a-t-il conclu, qui a fait la preuve de son efficacité.