On compare souvent Venise à un décor de théâtre, entre ciel et mer. Au XVIIIe siècle, quand la splendeur de la Sérénissime jetait ses derniers feux, la comédie et l’opéra régnaient en maîtres. Carlo Goldoni (1707-1793), ancien avocat devenu auteur, leur offrit maintes pièces et maints livrets, côtoyant acteurs et chanteurs. En esprit observateur doublé d’une plume vive et sensible, il a raconté dans plusieurs pièces les petits riens et les grands désirs de la vie d’artiste.

À l’Athénée, le metteur en scène Laurent Pelly projette cet Imprésario de Smyrne, pièce qui parle plus qu’elle ne chante, sur un plateau incliné, enserré d’un immense cadre doré disposé en biais. Tel un ponton sur la lagune, le dispositif se balance au gré des flots et de l’incertitude du lendemain. Laquelle des trois divas pressenties pour faire partie de la troupe d’un mystérieux commanditaire turc se verra gratifiée du premier rôle et du meilleur cachet ? Le castrat orgueilleux comme un paon et criblé de dettes sera-t-il du voyage ? Quant au médiocre poète qui recycle éternellement les mêmes rimes, quel sera son emploi ?

Rivalités tenaces et alliances fragiles

Au son délicat de trois instruments de l’ensemble Masques, rivalités tenaces, coups bas et alliances de circonstance se nouent et se dénouent, dérisoires, attendrissantes. On rit non sans mélancolie face à ces personnages certes arrogants mais surtout aux abois, formidablement servis par une troupe de comédiens souples, dansants et ironiques.

À commencer par Natalie Dessay, dont la palette semble infinie en « prima donna » vaniteuse à la carrière déclinante, Cyril Collet, ami et « promoteur » des artistes d’une élégante nonchalance, ou Antoine Minne, poète cauteleux prodigue en courbettes.

Jusqu’au 5 mai au Théâtre de l’Athénée, à Paris, puis du 22 au 24 mai au Théâtre de Caen.